Chers tous,
Je me devais, en ce passage à l’heure d’hiver, de faire une nouvelle édition de Dimanche 7. Le plus dur avec une newsletter est de poster la suivante, et le faire un dimanche rajoute désormais un petit challenge.
Aussi, dans l’espèce de torpeur ambiante, le (techno) optimiste que j’essaie d’être se devait de parler de ce qui fonctionne (encore). Dans ce contexte, la Art Week parisienne nous rappelait presque le “Choose France” d’avant la fameuse dissolution de l’Assemblée nationale, qui est un stress-test grandeur nature d’une constitution que l’on disait aussi d’une robustesse inégalée depuis la chute de l’Ancien Régime.
On parlera donc ici d’Art Basel Paris, qui est devenu un point central du marché de l’art (et fait resplendir notre pays et notre capitale un peu partout à travers le monde), de défense tech, de private equity ou encore de family office. Vous pensez que c’est un éternel recommencement : peut-être un peu.
Par ailleurs, j’ai dernièrement découvert le très sérieux et bien fait Founders Podcast de l’excellent David Senra, qui justement a fait de longs portraits de grands entrepreneurs de l’art, au premier rang desquels l’inégalé Larry Gagosian, de la galerie éponyme, dont j’ai parlé cette semaine dans un de mes posts LinkedIn.
Je veux aussi rendre hommage au champion d’échecs Daniel Naroditsky (1995‑2025), grand maître américain, écrivain, pédagogue et figure de la communauté numérique Chess.com, décédé le 19 octobre à Charlotte, en Caroline du Nord. Il avait 29 ans.
Daniel Naroditsky, paix à son âme
Excellente fin de semaine, et vive le capitalisme éclairé (et familial et artistique),
Grégory
© Le Pont Alexandre III - jeudi
🎨 À Art Basel Paris, le monde de l’art ne connaît pas la crise (Le Monde, 23 octobre 2025)
Paris contre le pessimisme ambiant
Dans un climat hexagonal tendu – économie fragile, défiance politique, climat social délétère, Art Basel Paris 2025 s’impose comme une parenthèse triomphale. Sous le verre du Grand Palais, l’art a retrouvé son rôle premier : celui d’un langage global.
L’ambiance est à la ferveur : collectionneurs, mécènes et curateurs se croisent et échangent.
La superbe nef du Grand Palais, resplendissante sous la lumière
Le bal des galeries
Les performances parlent d’elles-mêmes : des ventes exceptionnelles, à l’image de Hauser & Wirth ayant cédé un Gerhard Richter pour 23 millions de dollars, White Cube réalisant 11,5 millions pour une œuvre de Julie Mehretu, ou encore Gagosian avec plusieurs Warhol et Basquiat.
Le marché n’affiche aucune exubérance ; il privilégie la sélection, la discipline et la maturité.
Les capitaux se concentrent sur des valeurs établies et des artistes à rayonnement institutionnel, consolidant ainsi la crédibilité du rendez-vous parisien.
Une réussite à la française
Avec 65 000 visiteurs et des retombées estimées à plus de 450 millions d’euros, Paris confirme sa place de capitale culturelle mondiale.
L’excellence du dispositif – logistique suisse, élégance française – séduit les collectionneurs américains et moyen‑orientaux.
Art Basel devient un levier d’influence : symbole d’une France capable de symboliser le prestige mais sans arrogance, en cultivant le dialogue entre valeur et beauté.
Marché et géopolitique
Dans un pays hanté par la morosité, cette réussite dépasse le champ de l’art. Elle réaffirme l’attractivité d’un territoire.
Paris, en réussissant son Art Basel, prouve qu’une nation peut rester turbulente et néanmoins convaincre le monde par la grâce, le réseau et l’art.
© Un magnifique Bruegel (The Virgin and Christ Child with Saints Elizabeth and John the Baptis) sur le stand de la galerie Gagosian à Art Basel
PS : Le 23 octobre 2025, le monumental California (IKB 71) d’Yves Klein — un tableau monochrome bleu de quatre mètres de large créé en 1961, le plus grand format jamais réalisé par l’artiste dans son pigment signature International Klein Blue — a été adjugé pour 18,4 millions d’euros (21,4 millions de dollars) chez Christie’s Paris.
© Christie’s - California (IKB 71) par Yves Klein
🛰️🔫 Military Tech Companies, Long Snubbed in Europe, Are Having a Moment (The Wall Street Journal, 23 octobre 2025)
Par Daniel Michaels
L’Europe découvre la « mil-tech »
Longtemps taboue, la défense devient un secteur respectable pour les entrepreneurs tech européens. Daniel Ek (Spotify) finance Helsing AI, spécialiste de l’analyse tactique par IA. Karl Rosander, ex-e-commerce, bâtit Nordic Air Defence en Suède. Ce qui suscitait la honte provoque désormais des « embrassades », témoigne-t-il.
Also flowing into the field is money. Venture-capital investment into European startups that focus on defense, security and resilience will top $8 billion this year, up from $5.4 billion last year and less than $500 million in 2015, according to analysts Dealroom.co and the NATO Innovation Fund, a venture-capital fund with links to the North Atlantic Treaty Organization. Resilience investment focuses on withstanding crises such as terrorism, cyberattacks and pandemics.
Hesling AI, comme Palantir ou Anduril, est de facto, une société de défense à mission : défendre le modèle démocratique, c’est donc éminemment politique, et pour cause.
De plus en plus d’argent
Les fonds de venture capital dédiés à la défense, la sécurité et la résilience en Europe atteindront 8 milliards € en 2025, contre 500 millions en 2015. Les investisseurs américains figurent parmi les plus actifs.
Trump et Poutine : accélérateurs
Le retour de Donald Trump à la Maison Blanche et le discours de JD Vance à Munich sur le repli américain ont déclenché un sursaut. La guerre en Ukraine, les cyberattaques russes et la crainte du désengagement américain alimentent un sentiment d’urgence stratégique au sein des cercles tech européens.
Un marché fragmenté, un défi structurel
Contrairement aux États-Unis avec le Pentagone, l’Europe compte plus de 30 budgets nationaux, sans coordination. Ce morcellement freine la montée en puissance des startups. Mais les budgets militaires européens, en très forte croissance, ouvrent une fenêtre pour la souveraineté technologique du continent.
Europe’s lack of one big customer also stymies defense-tech newcomers. U.S. security startups of recent years, including Palantir and Anduril, have benefited from contracts with the Pentagon, which controls a massive budget. In Europe, military and security spending is spread across more than 30 countries, each with its own priorities and timelines.
🌍 💼 «Nous devenons un véritable acteur européen» : Wendel toujours plus ambitieux dans le private equity - interview de M. Laurent Mignon (Le Figaro, 24 octobre 2025)
Le virage stratégique de Wendel
En trois ans, Wendel a investi 1,7 milliard d’euros et redéfini son modèle historique : moins un holding industriel qu’un acteur intégré de la finance européenne moderne.
Sous la direction de Laurent Mignon, le vénérable holding lorrain accélère sa mutation.
En deux ans, Wendel a opéré trois acquisitions majeures dans la gestion d’actifs :
IK Partners en 2023
Monroe Capital aux États‑Unis en 2024
Committed Advisors en 2025. Ce dernier rachat, pour 258 millions d’euros (avec un complément possible de 128 millions)
Ce deal porte les actifs gérés pour compte de tiers à 46 milliards d’euros – zéro il y a deux ans.
De l’acier à la gestion d’actifs
La maison fondée par des maîtres de forge devient une plateforme de private equity européenne à part entière. Spécialisée dans le secondaire (le marché de cession de participations dans des fonds déjà constitués), Committed Advisors incarne un secteur en plein essor, porté par la recherche de liquidités des fonds institutionnels.
Un modèle à taille critique
Wendel déployait jusque-là un modèle mixte : gestion directe de 5,6 milliards d’euros (Bureau Veritas, Tarkett, Scalian, Stahl…) et gestion pour tiers via Wendel Investment Managers, qui doit générer environ 200 millions € de commissions par an. Désormais la partie directe sera gérée par IK - c’est donc un mouvement de fond pour le vénérable groupe d’investissement.
En parallèle, Wendel va se recentrer. Les gestionnaires d’IK Partners vont conseiller le holding Wendel pour la gestion de ses activités historiques d’investissement pour compte propre.
Pour M. Mignon, atteindre « la taille critique » est vital : « Nous sommes en concurrence avec des fonds aux moyens colossaux. »
Vers un capitalisme d’ingénieurs financiers
La société pourrait désormais viser les infrastructures.
Le groupe va-t-il poursuivre ses emplettes en mettant la main sur une société de gestion dans les infrastructures, comme il l’avait laissé entendre l’été dernier ? « À chaque jour suffit sa peine », balaie Laurent Mignon.
Sa cellule Iron Wave, dédiée aux start‑up technologiques, prendra son indépendance tout en conservant un ancrage au capital.
Ce nouveau deal s’inscrit dans le mouvement de fond de consolidation des plateformes de private equity, notamment au sein des maisons historiquement familiales. Cela a aussi été la logique du dernier, et très beau deal, de rapprochement entre Sagard (Power Corporation, Famille Desmarais du Canada) et Unigestion (M. Bernard Sabrier).
Dans une logique pas trop éloignée, on a vu cette semaine Mousse Partners, le FO de la famille Wertheimer, investir dans le MFO Rockefeller Capital Management, dont la famille Desmarais est aussi actionnaire.
Voici trois bons articles pour creuser :
“Clan Desmarais: une alliance avec Rockefeller Capital Management”, Journal de Montréal, 6 avril 2023
“Sagard et Unigestion s’associent pour créer un leader mondial en private equity sur le marché intermédiaire”, Sagard, 23 septembre 2025
“Rockefeller Capital secures backing from Chanel dynasty’s family office and others”, Bloomberg, October 14, 2025
👑💸 Qatar Royal Builds Firm to Manage His Billions With Goldman Hire (Bloomberg, 24 octobre 2025)
Par Benjamin Stupples
Monaco, nouvelle capitale du capital dynastique
L’ancien émir du Qatar, Cheikh Hamad bin Khalifa Al Thani, structure son empire personnel via Dilmon, un family office en expansion qui recrute à Monaco et Londres. Au cœur de cette montée en puissance : Arnaud Caussin, ex-responsable Goldman Sachs Monaco, désormais directeur adjoint des investissements.
Sheikh Hamad bin Khalifa Al Thani’s Dilmon has looked to recruit portfolio, operations and risk managers in Monaco and London for an “institutional-grade” unit for the multibillion-dollar-fortune of the Gulf nation’s former emir, according to people familiar with the matter and job postings.
Cheikh Hamad bin Khalifa Al Thani, ancien émir du Qatar
Un modèle de gestion institutionnelle
Dilmon bâtit une plateforme multistratégique : marchés publics, private equity, participations stratégiques. L’équipe s’étoffe avec des gestionnaires de portefeuille, de risques et d’opérations.
Ce dispositif vise à gérer la fortune de l’ancien souverain — avec une discipline de fonds institutionnel mais l’agilité d’une maison privée.
The personal investments of the oil-rich nation’s ruling dynasty totaled at least $150 billion, according to a Bloomberg Billionaires Index estimate last year, putting them among the world’s richest families. They include holdings in Italian luxury brand Valentino SpA, Picasso artworks and Deutsche Bank AG, where Dilmon executive Michele Faissola held senior roles for more than a decade.
L’avantage monégasque
Monaco offre un double atout : fiscalité nulle (pas d’impôt sur le revenu ni sur les plus-values) et rayonnement méditerranéen. Dilmon y a obtenu son agrément en septembre 2025. Cette implantation permet de rivaliser avec Londres sur les recrutements, alors que le Royaume-Uni a durci les avantages fiscaux pour les plus fortunés.
Dynastie et stratégie
Cheikh Hamad, qui transforma le Qatar en puissance énergétique et diplomatique avant de céder le pouvoir à son fils en 2013, poursuit son influence par le capital. Les actifs familiaux incluent Valentino, le Connaught, le Maybourne Riviera et Deutsche Bank.
Avec Dilmon, il inscrit la famille Al Thani dans la géopolitique patrimoniale globale : le pouvoir comme art de placer.
Monaco
Merci pour votre lecture !
































































