Chers amis,
Personne ne croyait que nous y arriverions. Mais 2020 touche à sa fin. Et par la même occasion la première année civile de Dimanche Seven. 26 éditions de cette newsletter de confinement parue (presque) chaque dimanche, puis de dé-confinement, puis de re-confinement, puis de re-dé-confinement, puis peut-être bientôt de re-re-confinement, and so on.
Alors que retenir qui ne soit pas déjà dit ?
On peut retenir les choses négatives bien-sûr. Déplorer d’abord les bientôt 2 millions de décès liés au nouveau coronavirus (paix à leurs âmes). Regretter feu ce que l’on croyait être la superpuissance de nos nations modernes, prises entre l’épée et l’enclume et contraintes d’enfermer chez eux leurs citoyens, de faire baisser les rideaux des cafés, théâtres, remontées mécaniques, etc. Et craindre la fameuse déferlante des conséquences de la récession, avec son corollaire de tensions sociales, etc.
Mais on peut aussi retenir des choses plus que positives : la dignité collective et individuelle dans l’épreuve, des dirigeants qui dans leur grande majorité ont fait preuve d’une grande prestance, l’action extraordinaire des banques centrales et des banques en général, la nécessaire prise de conscience que la digitalisation devait être pro-activement intégrée dans les modèles d’affaires et pas seulement subie, la non-crise politique après la défaite du Président Trump ou encore le deal in extremis du Brexit. Et surtout ce vaccin. Ce vaccin qui n’a pas été bâclé. Mais qui a profité de l’extraordinaire progrès de la science et de la puissance de l’intelligence collective.
Rien n’est parfait. Mais je préfère voir le verre à moitié plein. Et croire que cette newsletter a permis de comprendre un peu que certains mega-trends sont là pour durer et que plutôt que de fermer les yeux il s’agit de les intégrer à notre matrice de vie : l’inexorable accélération de la digitalisation donc, le bouleversement de l’intelligence artificielle, le nouveau leadership européen, le télétravail (et plus généralement le future of work), les SPACs comme nouvelle source de capital, la passion economy, l’accélération de la décarbonisation, le jeu d’échecs devenu si important pour beaucoup d’entre nous, les accords de paix tant attendus (et qui produisent déjà des résultats inouïs) entre Israël et ses voisins du Golfe et le Royaume du Maroc, etc.
Prenez soin de vous pour cette fin d’année, et on se revoit en 2021 ;)
Tous mes vœux de bonheur, de succès et, plus que jamais, de santé !
Amitiés,
Grégory
© Pablo Picasso — “La Paix”
🤝 In Bullet Points: The Key Terms of the Brexit Deal (Bloomberg, 241220)
Par l’équipe Bloomberg News
✒️ Il s’agissait (officiellement) pour nos amis britanniques de récupérer leur souveraineté. Mais en réalité les entreprises d’outre-Manche se verront sujettes à plus de contraintes que dans le monde d’avant.
Commerce de marchandises : en gros il n’y aura pas de droits de douane ou de quotas (il faut que tout change pour que rien ne change right ?). Mais en réalité les exportateurs devront dealer avec clairement + de contraintes. Pêle-mêle : la règle de l’origine (prouver que les produits exportés des UK sont bien majoritairement fabriqués là-bas), règles sanitaires contraignantes, pas de reconnaissance des règles de certification / tests, et possibilité d’imposer des sanctions commerciales.
Services financiers : aucune clarté pour la City, la grand oubliée de l’accord comme souligné (et déploré) un peu partout. Concrètement le gros enjeu est qu’il n’y a pas, à ce stade comme on dit pudiquement, d’équivalence permettant systématiquement aux firmes basées aux UK de vendre leurs produits en Europe. Donc ça sera du cas par cas / encore à négocier avec la Commission de Bruxelles.
Règles du jeu équitables : l’idée est de conserver une sorte de statu quo sur les standards en matière d’environnement, de droit du travail, et de fiscalité pour ne pas jouer sur un éventuel dumping (pour respecter l’esprit général du deal).
Règlement des litiges : négocié directement entre l’U.E. et le R.U. sans recours à des cours européennes.
Règles de la pêche (dont on a tant entendu parler) : les pêcheurs britanniques auront le droit à 25% des prises européennes actuelles dans les eaux anglaises.
Douane : l’idée est de limiter la red tape, notamment grâce aux Authorized Economic Operators, qui répondent à des contraintes allégées.
Avions et Camions : pour les airs on est pas loin d’autoriser automatiquement la production britannique d’opérer dans le ciel européen et pour les camions l’idée, là aussi, est d’être smooth.
Flux de données : pour l’instant c’est le statu quo sur le flow d’informations et la protection de ces dernières entre les deux zones, avant l’adoption d’une solution pérenne.
Énergie : pas d’accès britannique au marché interne européen.
Services professionnels : Pas de reconnaissance mutuelle automatique des compétences professionnelles.
Déplacements professionnels : pas de visa pour les déplacements courts.
Fiscalité : pas d’obligation, juste la transparence (note de l’auteur : ce point sera à suivre avec attention !).
Agriculture : pas de droits de douane mais des vérifications accrues sur les produits britanniques.
Loi : coopération (heureusement) entre le Royaume-Uni et l’Union européenne notamment sur le terrorisme.
💵 The Year in Deals Can Be Summed Up in 4 Letters (NYT, 191220)
Par Michael de la Merced
✒️ Si on ne devait retenir qu’une chose de cette année unique en son genre pour le dealmaking, ce sont eux, les SPACs.
En début d’année, on a bien cru (et on avait raison de le penser a priori) que la pandémie allait impliquer une année catastrophique pour les Mergers & Acquisitions (M&A). Mais après un ralentissement dans un premier temps, la confiance a repris le dessus, et un de ces signes de reprise de confiance, ce sont justement les SPACs (véhicules cotés n’ayant pour actif que leur cash et dont la raison de vivre est de fusionner avec un actif non-côté : sorte d’introduction en bourse accélérée).
A date, 45.000 deals pour 3,4 trillions de dollars ont été annoncé cette année, soit 7% de moins en valeur qu’il y a 1 an selon Refinitiv. Pas mal pour une année qui débutait par une baisse de… 40% au 30 juin. C’est dire l’extraordinaire effet de rattrapage qui a eu lieu.
C’est donc peu dire qu’après le chaos (et une situation d’ailleurs toujours pas réglée), tous les acteurs de l’industrie ont été surpris par l’ampleur presque miraculeuse de ce rebond. Ainsi, l’énorme quantité d’argent pas cher fourni par les banques centrales combinée à l’envie de faire des deals et à une bourse de très très bonnes tenue (aussi en raison de cet argent pas cher = circularité) a été le moteur de tous ces deals, et encore des deals, etc.
Mais venons en fait au fait : la star de l’année ce sont les SPACs. Tout le monde ou presque aux États-Unis a fait son SPAC, le tout pour une taille moyenne de 335 millions de dollars (10x le montant de 2009). Pourquoi un tel engouement : le sponsor reçoit 20% du SPAC pour pas grand chose et le vendeur se retrouve en bourse comme par magie. Cela a parfois produit des deals de grande qualité, loin de l’image erronée que, de temps en temps, on pouvait se faire.
La conclusion : les SPACs pourraient devenir des forces constantes du monde des affaires. Des stars des hedge funds s’y sont mis (les 4 milliards de Bill Ackman, qui voulait ainsi s’offrir Airbnb - en bourse depuis). Mais les industriels les plus prestigieux et les plus respectés s’y mettent aussi : ainsi en va-t-il de Liberty Media ou encore de MM. Niel, Zouari et Pigasse. Il y aussi les purs financiers, comme la star de la banque d’affaires Michael Klein (avec des Churchill Capital — ça nous parle !) et bien-sûr, le tsar des SPACs, Chamath Palihapitiya de Social Capital.
L’année du phénix alors ?
✨ Investors pour $1bn into buying up small merchants on Amazon (FT, 221220)
Par Tim Bradshaw
✒️ 3 choses à retenir de ce corollaire du phénomène Amazon.
Les investisseurs ont injecté 1 milliard de dollars (1.000 millions, ce n’est pas une typo) dans des entreprises dont le job est de racheter des marques à succès sur Amazon, l’idée étant de miser sur les futurs conglomérats consumer à la Unilever ou Procter.
Ces marchands indépendants sur Amazon représentent déjà +200 milliards de vente et des dizaines de milliers génèrent plus d’1 million de CA. Et ce qui désormais devrait se passer parmi eux c’est une consolidation. La même conso que celle qui a prévalu chez les pressings, dans le restauration, les boulangeries, and so on.
Beaucoup de vétérans du Direct to Consumer ce sont donc dits : plutôt que de créer des marques de zéro, achetons des marchands Amazon qui se débrouillent bien. Résultat des courses : aux États-Unis et chez nous en Europe, 7 startups ont levé pas loin d’un bon milliard. Parmi ces dernières on remarquera SellerX à Berlin, Razor (toujours Berlin), ou Heroes à Londres. Ce que vous devez noter : ces sociétés, pour la plupart, n’existaient *** PAS *** en début d’année.
Digital World = Velocity.
♟️ World Chess Champion Garry Kasparov on What The Queen’s Gambit Gets Right (Slate, 171120)
Par Nitish Pahwa
✒️ Pour beaucoup cette série a été une des grandes joies télévisuelles de l’année. Le Grand Maître Gary Kasparov y revient justement dessus dans cette interview.
Postulat : The Queen’s Gambit a évité les chausse-trapes de ce genre d’exercice. Elle a ainsi été acclamée par l’ensemble de la profession des échecs. Pourquoi ? Sans doute beaucoup grâce au professeur Bruce Pandolfini (qui a adapté le roman dont est tiré la série) et Kasparov — dont on dit qu’il est le plus grand joueur d’échecs de tous les temps.
Kasparov est notamment introduit par les créateur de GoT à l’équipe de la mini-série. On lui propose de jouer Borgov mais il ne peut pas (pas le temps). En revanche il peut s’assurer que la série est crédible. Que retenir ?
Être visuellement crédible —> “this is about the body language, touching the pieces, all the things that will give people the sense that they are real players.”.
Les parties doivent ressembler à quelque-chose —> Kasparov aide donc au choix des parties qui sont jouées, histoire d’éviter les moqueries des professionnels (et même des joueurs du dimanche).
Faire en sorte que les joueurs soviétiques soient, aussi, réalistes (i.e. quand ils voyagent à l’ouest c’est avec le KGB).
Pour la dernière partie l’équation se complique : elle devait être jouée par un Gambit de la Dame, avec une quarantaine de coups, plus une situation suffisamment compliquée pour requérir certains conseils, etc :
"I found a few games and picked up one: Patrick Wolff against Vassily Ivanchuk, Biel Interzonal, 1993. Wolff sent me a note a couple of days after the show was released: “I recognize the game.” It was quite an obscure game. He said, “Garry, how on earth did you find it?” I said, “I had certain parameters, with the gambit, the number of pieces left, so basically, I ended up with 700 games.”
🚣🏼♂️ La fraternité, nouveau levier de succès en entreprise ? (Harvard Business Review, 231220)
Par Emmanuelle Duez, Eléonore de Perthuis, Rose Ollivier
✒️ Trois choses à retenir de cet article marin.
On le sait, la résilience, dont on a parlé ici, a été un des leitmotifs de 2020. On en distingue 3 principales sortes : la résilience individuelle, la collective, et celle des organisation. Petit rappel :
“Processus psycho affectif, social et culturel qui permet de sortir grandi après un traumatisme psychique, plus que jamais, parler de résilience fait sens.”
Mais cet article met en exergue un autre concept de poids, central dans la Marine nationale, et qui, spécialement par temps de gros de temps de pandémie (télétravail et tutti quanti) peut s’appliquer au monde de l’entreprise : c’est la fraternité.
“La fraternité est cette solidarité spécifique à ceux qui croient aux mêmes valeurs et s’engagent dans un même combat.”
Ainsi, on le sait chez nos amis marins (très populaires en ce moment avec le Vendée Globe — preuve en est que j’ai fini cette année par m’y intéresser) le collectif est clé. Or c’est ce collectif qui, surtout à l’époque de la distanciation sociale, est soumis à rude épreuve. Et c’est ce collectif, et donc cet esprit de fraternité, qu’il s’agira pour les chefs de maintenir en éveil !
Merci à tous et à toutes et encore bonnes fêtes !