Confinement 101: commencer (enfin) sa newsletter... de news
Toutes les bonnes choses ont un début : bienvenue à bord de Dimanche Sunday
Paris, le 3 mai 2020,
Chers tous,
Il y a quelques années on m’a demandé quelles étaient les deux choses que j’aimais dans la vie au-delà de mon job de banquier d’affaires et j’ai répondu mécaniquement : « les livres et internet ».
Je dois l’avouer, je suis comme beaucoup d’entre-vous un peu accro aux news ;) La presse écrite, et « Le Monde » en particulier, m’accompagnent depuis tout petit, avant même l’adoption du format berlinois (sic), puis cela a été crescendo avec Internet et l’élargissement de mes centres d’intérêt au-delà de ma formation initiale en éco et en sciences po.
Je partage souvent les lectures ou autres publications que j’apprécie sur les différents réseaux et mes amis (réels et / ou digitaux) me demandent parfois de leur renvoyer tel ou tel article, tel ou tel podcast, telle ou telle vidéo, etc.
Ces lectures proviennent de ma routine bien établie (lecture quotidienne d’une demi-douzaine de publications / newsletters combinées avec Twitter et LinkedIn et plus rarement Facebook, sans oublier WhatsApp et Slack et parfois-même iMessage).
Une bonne partie de ces articles concernent les affaires financières – avec un certain tropisme tech - mais aussi l’environnement, la politique, la diplomatie, la philosophie, le développement personnel, la religion ou l’art. Vous aurez noté que je ne parle pas de sport, mais cela peut changer.
Et comme il arrive souvent que de bonnes choses naissent sur de pénibles terreaux, j’ai pensé que ce confinement était l’opportunité de mieux discipliner mes partages. L’idée ici est donc de les structurer sous forme de newsletter à paraître chaque dimanche.
Dans un premier temps, cette newsletter aura pour objet de présenter sept liens chaque semaine, parfois en français et parfois en anglais.
Pour chaque lien je ferai une petite introduction synthétique essayant d’expliquer pourquoi j’ai retenu cet article.
Prenez soin de vous, be safe,
Excellent dimanche à tous et merci pour votre temps,
Grégory
Bill Ackman: Getting Back Up [The Knowledge Project Ep. #82 par Shane Parish]
J’ai découvert Shane Parish dans un article du New York Times il y a quelque temps. Son blog Farnham Street est une source inépuisable d’inspiration pour aider à prendre des décisions dans un monde où déferle de l’information en permanence. Son moto est All signal. No noise. Chaque semaine Shane échange avec une personnalité inspirante provenant d’un univers différent dans son podcast appelé le Knowledge Project. Cette semaine c’est le légendaire investisseur new-yorkais Bill Ackman de Pershing Square Capital Management (notamment rendu célèbre dans sa bataille contre Herbalife) qui est interrogé. Le financier, qui est connu pour ses remarquables rebonds, s’y livre en toute transparence sur son système de valeurs et son hygiène de vie, et tire les leçons de sa riche expérience. On a beaucoup parlé de Bill Ackman ces dernières semaines après ses investissements très réussis réalisés en plein contexte de covid19 (plus d’informations sur ce sujet dans cet article de Business Insider).
Le secteur du retail physique est sous très haute tension depuis de très longues années pour les raisons que l’on connaît, d’où le fait que beaucoup de sociétés aient muté vers un modèle “phygital” (lire ce très bon article de LSA sur le sujet). Le covid19 pourrait représenter pour certains grands magasins, notamment aux US, un baiser de la mort. Or leur pérennité constitue un enjeu considérable, à la fois sur le plan économique et social mais aussi sur le plan symbolique. Ainsi pendant longtemps l’essor de l’économie marchande et des grands magasins ont été intimement lié. Pour celles et ceux que cela intéresse le livre Merchant Princes est extrêmement bien fait.
Brillante analyse de nos amis du Monde qui reviennent en détail sur les premiers bouleversements liés au covid19, avec des empires digitaux (GAFA) ou physiques (comme P&G) extrêmement robustes - ce qui dans un contexte de panique générale est encore plus remarquable.
Il est encore trop tôt naturellement pour tirer toutes les conséquences mais il suffit de regarder l’usage de son téléphone et de son ordinateur à la maison (perso et pro du coup) pour voir que l’on dédie, directement et indirectement, un bonne partie de son temps / argent à ces sociétés (les GAFA, Netflix, etc).
Au-delà de discours généraux sur “le monde de demain” il n’est pas inintéressant d’analyser les anticipations des marchés. Chaque crise est un profond game changer pour les acteurs en place. Or ici on est au-delà d’une crise comme un autre. Comme le dit le journal :
“A voir les parcours boursiers d’Amazon, Tesla ou Procter & Gamble, les investisseurs estiment que le monde de demain sera plus cartellisé, plus globalisé et plus technologique. A rebours de ceux qui plaident en faveur d’une démondialisation et d’un retour au local.”
Les entreprises et les administrations ont toujours eu des doutes sur la véritable faisabilité du travail à distance, le fameux Work From Home (WFH) auquel nous nous sommes désormais tous habitués tant bien que mal. Quand pour beaucoup de free-lances c’était déjà la norme depuis longtemps, il y avait une certaine réticence à passer en WFH dans la plupart des organisations. On se souvient de l’ancienne CEO de Yahoo! (depuis racheté par AT&T), Marissa Mayer, qui avait interdit aux employés de l’ancienne star d’Internet de travailler de la maison, ce qui avait suscité un vaste débat. L’argument de l’ancienne employée de Google était que pour être soudés et efficaces il fallait être physiquement ensemble dans un bureau, etc. On connaît la suite.
En l’espèce ce que dit cet article absolument passionnant - gros coup de coeur de la semaine - du FT est que, et c’est contre-intuitif, les gens s’en sortent plutôt bien en télétravail, à la fois en terme d’efficacité et aussi d’acceptabilité. Comme je l’ai aussi noté de mon côté, il est désormais admis d’entendre des bruits d’enfants par exemple - ce qui probablement était anormal était qu’on ne l’admettait pas. Cela ne veut pas dire bien-sûr que l’on va passer d’un modèle 100% physique à un modèle 100% digital mais cela appelle des questions profondes.
Cela bien-sûr n’est pas sans rebattre les cartes sur les besoins immobiliers des entreprises, à la fois car on note finalement un changement des usages en matière de travail, et pour les raisons sanitaires de densité liée au covid19. On ne sait pas comment cela va se terminer mais inutile de dire qu’il faudra suivre ces évolutions de très près.
Dans ce numéro brillant de European Straits, Nicolas Colin, une de mes grandes sources d’inspiration, s’intéresse de près au problème de l’Allemagne à l’ère digitale.
Ainsi la République fédérale fait face à plusieurs défis majeurs tels que le vieillissement de la population, un modèle de prospérité économique basé sur l’export menacé par la politique douanière du Président Trump ou encore les rigidités propres au capitalisme allemand – avec notamment des incumbent players très prompts à rester nettement dominants face aux nouveaux entrants digitaux. Ce qui était une force inouïe est devenue une faiblesse. Cela n’enlève rien au génie allemand et à son rôle crucial en Europe. S’appuyant sur Peter Zeihan (un autre penseur et analyste que j’adore), Nicolas aborde plusieurs hypothèses ultra intéressantes pour l’avenir. A suivre de près !
C’est Koudetat, dont j’ai suivi les cours en physique en 2014 à The Family, qui m’a poussé dans les bras de la création d’entreprise et du digital. Découvrir Oussama a été une révélation et depuis je n’ai jamais cessé de le suivre. Alors en plein confinement, tout en rattrapant 100% de mon retard sur le Bureau des Légendes et en ayant commencé Game of Thrones après pratiquement 10 ans de retard (oui… !), je regarde aussi la nouvelle saison de Koudetat spécialement adaptée au covid19. Koudetat est une formation en ligne destinée aux entrepreneurs – avec un tropisme tech – et à ceux et celles qui s’y intéressent ou que cela concerne : c’est à dire beaucoup de monde ;)
Cette nouvelle saison est bluffante : précise sans se prendre au sérieux, elle donne des clés pour naviguer dans l’ultra-incertitude. Déjà en 2014 quand j’ai assisté à Koudetat en mode “assis au premier rang”, les cours d’Oussama me faisaient au moins autant penser à un cours de philosophie qu’à un séminaire de business school et beaucoup d’anecdotes entrepreneuriales pouvaient tout aussi bien servir d’allégorie aux individus que nous sommes : six ans après c’est encore plus vrai. Comme dit Nietzsche donc : « ce qui ne tue pas rend plus fort ».
Dans cette interview fleuve, Boris Cyrulnik, qui a grandement contribué à populariser le concept de résilience si usitée dans la crise que nous traversons, aborde les conséquences du covid19 sur notre psychologie et notre mode de vie comme individus et comme sociétés. Le Dr. Cyrulnik, qui est par ailleurs un expert de l’enfance, récuse le terme de crise auquel il préfère celui de catastrophe - car après une catastrophe en effet plus rien ne sera comme avant
Profondément humaniste et emphatique, le Dr. Cyrulnik nous alerte sur les conséquences d’une trop importante dé-socialisation ou encore sur l’importance des émotions dans l’enseignement.
Surtout il nous conseille de ne pas vraiment repartir comme avant et de bien écouter ce que cette crise dit de nous et de notre environnement, et ce pour ne pas revivre le drame actuel si des évènements similaires venaient à se reproduire - ce que l’on ne peut pas exclure.
Cette interview donne de belles clés pour penser l’après.
Merci pour votre lecture et je suis preneur de vos feedbacks ;)