Chers amis,
Il s’est passé tellement de choses ces derniers mois. C’est une lapalissade de le dire, j’en conviens, mais je le dis quand même.
J’ai réfléchi à l’évolution du format, et au fond, à ce stade, j’estime que c’est le bon. Cela me permet – nous permet donc, par capillarité – de prendre un peu de hauteur. Nous sommes assaillis de nouvelles ; c’est précisément, d’ailleurs, la stratégie trumpiste du “Flood the zone”. J’ai été très étonné, au cours des dernières semaines, de rencontrer des gens très informés, parfois très haut-placés, être eux-mêmes victimes de fake news ou de demi-vérités (selon l’heure à laquelle on les lit sur X). J’ai aussi rencontré des professionnels très informés qui avaient “loupé” telle ou telle information (je m’inclus dedans). Et pour cause : on croule sous les informations – pas toujours les meilleures – sur un nombre incalculable de médias : la presse classique, les chaînes de télévision, les morceaux de vidéos de ces chaînes qui traînent sur les réseaux sociaux, sur X, sur Instagram même (qui demeure une merveille), j’imagine sur TikTok (mais je ne suis pas dessus), et bien sûr sur WhatsApp, sur Telegram, sur Signal. J’en oublierais presque LinkedIn, une magnifique caisse de résonance parfois digne de l’allégorie de la caverne – mais qui, bien sûr (comme tout, n’est-ce pas), a son intérêt.
Voilà les amis. Vous m’avez manqué. Nous allons reparler ensemble de finance, de technologie, d’Amérique, de géostratégie, de family offices, parfois même de culture – car sans culture, j’ai envie de dire : à quoi bon ?
Dans le florilège de thèmes qui nous travaillent beaucoup en ce moment : les grands investisseurs, l’évolution des fonds de venture capital vers de vrais fonds multi-stratégies, les prises de participations croisées entre les holdings géantes et les fonds souverains, toutes les stratégies de prises de participation au capital de sociétés de gestion en général, le secondaire (en PE, VC, etc.), et bien d’autres choses (on ne manque pas de sujets de fond en 2025). Vous avez vu, je n’ai pas cité Donald Trump. Ne pas citer Donald Trump revient à mon challenge de 2020-2021 : faire des éditions sans prononcer le mot Covid.
Enfin, car c’est encore plus d’actualité : bye-bye Warren (Buffett), qui tire sa révérence du monde des affaires à 94 ans. Un vrai Mensch.
Toute mon amitié du mois de mai,
Grégory
PS : pour bien suivre mon contenu, n’hésitez pas à me rajouter sur Linkedin
David Hockney, Portrait of an Artist (Pool with Two Figures)
Mon édito ⇒ Au-revoir Warren, we love you
Warren Buffett a tiré sa révérence hier, et c’est toute la finance mondiale qui avait un peu les larmes aux yeux - moi en tout cas. Après soixante ans à la tête de Berkshire Hathaway, l’Oracle d’Omaha quitte la scène à 94 ans, léguant à la fois un empire de plus de 1 000 milliards de dollars et un héritage intellectuel inégalé - et c’est ça que je retiens, une notion globale de son héritage.
Dans le monde des prédateurs, le savoir-vivre de Warren Buffett fait énormément de bien, et ses dires hier sur les tarifs, sur la place de l’Amérique et le rôle qui lui est dévolu est absolument fondamental.
Ce que son départ signifie pour la finance
Buffett, c’était bien plus qu’un investisseur : il incarnait une certaine idée du capitalisme patient, rationnel et éthique. Son départ marque la fin d’une ère où la confiance dans la valeur à long terme, la simplicité, et la transparence étaient des boussoles pour des générations d’investisseurs. Il laisse derrière lui un Berkshire Hathaway conçu pour durer, avec une diversification interne et une robustesse pensée pour survivre à toutes les tempêtes économiques « normalement prévisibles ». Greg Abel, son successeur désigné, hérite d’une maison solide, mais la magie Buffett, cette capacité à rassurer les marchés par une simple phrase ou une lettre, ne sera jamais remplacée.
Son apport au monde des affaires
Buffett a révolutionné la finance par sa discipline, son refus de suivre les modes, et son attachement à la valeur intrinsèque des entreprises. Il a transformé une petite société de filature en un conglomérat tentaculaire, actionnaire de Coca-Cola, Apple, Geico, et bien d’autres. Mais son influence dépasse la performance boursière : il a imposé de nouveaux standards en matière de gouvernance d’entreprise, d’intégrité, et de transparence. Ses lettres annuelles aux actionnaires sont devenues des classiques, louées pour leur honnêteté et leur pédagogie. Côté philanthropie, il a donné l’exemple en s’engageant à reverser l’essentiel de sa fortune à des oeuvres philanthropiques, comme son ami Bill Gates.
Une personnalité hors norme
Buffett, c’est aussi une personnalité fascinante, mélange de simplicité et de paradoxes. Il a prouvé que l’on pouvait réussir sans cynisme, en restant fidèle à ses principes et à Omaha, loin des projecteurs de Wall Street. Son humour, sa capacité à vulgariser des concepts complexes, et sa fidélité à ses proches ont marqué tous ceux qui l’ont côtoyé. Il a toujours privilégié l’intégrité et la patience, répétant que « la bourse est un outil de transfert d’argent des impatients vers les patients ».
Le snowball effect, ou la boule de neige de la richesse
Impossible d’évoquer Buffett sans parler du « snowball effect », ce principe de l’intérêt composé qu’il a érigé en art de vivre et d’investir : commencer petit, réinvestir patiemment, et laisser le temps faire grossir la boule de neige. C’est la philosophie centrale de sa vie et de sa carrière, brillamment racontée dans sa biographie de référence, The Snowball: Warren Buffett and the Business of Life par Alice Schroeder. Ce livre, que je recommande vivement, offre un accès inédit à sa pensée, ses doutes, ses succès et ses échecs, et dévoile la complexité d’un homme qui a su rester simple.
En tirant sa révérence, Warren Buffett nous rappelle que la vraie richesse n’est pas seulement financière, mais aussi intellectuelle et morale. Son effet boule de neige, c’est celui d’une influence qui continuera de grandir, bien après son dernier mot aux actionnaires.
PS : parler de Warren sans évoquer son associé et génie aussi puissant que discret, le grand, l’immense Charlie Munger, ne serait pas juste. Parti en 2023, Charlie était notamment connu pour son usage intensif des mental models, qui évitent (en principe) de faire des mauvais choix, de répéter des erreurs, etc.
Lightspeed Is Latest Firm to Shift Away From Classic VC Model (Bloomberg, May 1st, 2025)
Lightspeed Venture Partners, acteur majeur du capital-risque de la Silicon Valley, a récemment obtenu le statut de Registered Investment Advisor (RIA), rejoignant ainsi des firmes telles qu'Andreessen Horowitz, General Catalyst et Thrive Capital dans une redéfinition profonde du modèle VC traditionnel .
Pourquoi ce détail est-il si important (car ce n’est peut être pas évident pour tout le monde) : car clairement les grands VC américains deviennent de vraies plateformes globales d’asset management, qui travaillent sur tous les types d’actifs avec des durées de détentions qui varient (parfois en capital permanent par exemple). C’est un bouleversement de modèle par rapport au point de départ (faire du seed, des series A, B, etc. seulement dans des jeunes boites de technologies). C’est donc un début de tendance de fond qui se dessine, et qui probablement va faire des émules partout, y compris en Europe.
Ce changement réglementaire permet à Lightspeed, qui gère 31 milliards de dollars d'actifs, d'investir au-delà des startups en phase initiale, notamment dans des actions cotées, des parts secondaires et des cryptomonnaies. Cette évolution reflète une tendance plus large où les grands fonds de capital-risque adoptent des stratégies inspirées du private equity : acquisitions, roll-ups sectoriels, et création d'entreprises "AI-native" en interne.
General Catalyst, par exemple, a cessé de se définir comme un fonds VC, préférant le terme "global investment and transformation company". La firme a acquis le système de santé Summa Health pour expérimenter des solutions technologiques, notamment en IA, dans le secteur hospitalier.
Thrive Capital, dirigé par Josh Kushner, a levé 5 milliards de dollars pour soutenir des entreprises telles qu'OpenAI, misant sur des investissements concentrés et de grande envergure.
Cette transformation du capital-risque, motivée par la stagnation des IPOs et l'essor de l'IA, redéfinit les frontières entre VC et private equity, signalant l'émergence d'une nouvelle ère d'investissement hybride.
Mon analyse : cela n’est pas sans rappeler le post du VC Michael Jackson hier (et surtout I could not agree more, c’est le sens absolu de l’histoire) :
TWG Global snags rare 5% stake in Mubadala Capital (Pitchbook, April 30th, 2025)
TWG Global entre au capital de Mubadala Capital : un tournant pour les fonds souverains ?
TWG Global, holding d’investissement américain dirigé par Mark Walter (Guggenheim Partners) et Thomas Tull (ex-Legendary Entertainment), acquiert 5 % de Mubadala Capital, filiale de gestion d’actifs alternatifs du fonds souverain d’Abou Dhabi.
Cette opération, rarissime, marque la deuxième ouverture seulement du capital de Mubadala Capital à un investisseur externe, témoignant d’une évolution stratégique des fonds souverains du Golfe vers davantage de partenariats privés.
Qui sont les fondateurs de TWG ?
Mark Walter, milliardaire discret, cofondateur et CEO de Guggenheim Partners (services financiers : asset management, banque d’investissement, assurances, etc), est aussi propriétaire des LA Dodgers, co-propriétaire de Chelsea FC, etc.
Thomas Tull, entrepreneur et producteur, a fondé Legendary Entertainment (Inception, Batman - dont Dark Knight, mon film préféré au monde), puis Tulco (AI, data science) et investit dans la tech, la santé et l’assurance.
TWG détient (donc) un portefeuille diversifié : Guggenheim Investments, Group 1001 Insurance, LA Dodgers, LA Lakers, Chelsea FC, et des participations dans l’IA, l’énergie et les médias.
L’accord prévoit un double engagement financier ⇒ il y a clairement un intérêt mutuel bien compris et parfaitement exécuté.
Mubadala Capital pilotera un investissement syndiqué de 10 milliards de dollars dans TWG Global (sur une levée totale de 15 milliards)
TWG Global investira 2,5 milliards de dollars dans les fonds de Mubadala Capital, avec une option pouvant aller jusqu’à 20 milliards
Enjeux :
Pour TWG, l’accès à un gestionnaire d’actifs alternatifs de premier plan, avec une expertise sur les marchés émergents et les secteurs porteurs (sport, tech, énergie).
Pour Mubadala Capital, une diversification de ses sources de financement et une exposition accrue à l’écosystème sportif et technologique américain.
Tendance de fond : Les fonds souverains du Moyen-Orient, longtemps cantonnés au rôle de pourvoyeurs de capitaux, cherchent désormais à devenir des plateformes d’investissement attractives pour les acteurs privés mondiaux.
The investment marks the second GP-stake-style deal in under a week. Last week, asset manager TPG and Singaporean state-owned investment firm Temasek bought a joint minority stake in Cliffwater, a fund manager with around $36 billion in AUM.
À retenir : Ce partenariat inédit illustre la montée en puissance des investissements alternatifs et du sport-business, et signale une recomposition des alliances dans la finance internationale.
French Tech : 199 Ventures, le nouveau family office qui joue la carte de la transparence (Les Échos, 28 avril 2025)
Andréa Bensaid, fondateur d’Eskimoz, annonce le lancement de 199 Ventures, après avoir personnellement investi plus de 3 M€ dans des start-up avec des tickets entre 100 et 250 k€.
Ce nouveau véhicule, au nom inspiré de la tendance américaine des chiffres et des lettres, s'inscrit dans la lignée des family offices tech français que l’on connait bien : YADAY, Evolem, Otium, Duval Ventures, Financière Saint James, Motier Ventures, Holnest, Purple, Kima Ventures, 1st Kind, etc.
Son objectif est clair : déployer 30 millions d’euros en 5 ans dans des start-up BtoC et BtoB, sans contrainte sur le rythme ou la taille moyenne des investissements (« c’est mon argent, donc aucune pression »).
Sa différenciation ? Une expertise très pointue en marketing digital opérationnel. Andréa ambitionne de transformer radicalement la gestion des dépenses d’acquisition digitale (« Quand une start-up investira 100 €, elle en gagnera 400 »).
On trouve particulièrement malin le choix d’une transparence totale : 199 Ventures communiquera ouvertement ses résultats, qu’ils soient excellents ou décevants, ainsi que ses valorisations.
Parmi les premiers investissements réalisés figurent Stairling (plateforme VTC, 50 k€) et Spiko (plateforme de tokenisation financière, 100 k€).
Ce qu’il faut retenir : 199 Ventures incarne un modèle de family office tech entrepreneur-friendly, totalement transparent, et centré sur une performance marketing pragmatique et efficace.
Note de l’auteur : je lui souhaite très longue vie, cette galaxie de FO est une merveille pour les entrepreneurs, la technologie, l’écosystème.
Merci à tous pour votre lecture