Paris, Le 21 juin 2020,
Tout dâabord merci Ă tous pour votre fidĂ©litĂ© et vos commentaires prĂ©cieux. Jâessaye dâen tenir compte ;) Vous ĂȘtes dĂ©jĂ 360 Ă vous ĂȘtre abonnĂ©s organiquement Ă cette newsletter dont la stratĂ©gie dâacquisition peut donc ĂȘtre qualifiĂ©e de bio.
Alors que la vie reprend son cours et que je rĂ©dige cette intro, on comprend que lâon rentre de mieux en mieux dans ce nouveau paradigme et que step by step on sâĂ©duque sur toutes ces choses incroyables qui se dĂ©roulent en ce moment dans un monde bien surprenant.
Je vous souhaite une excellente lecture ainsi quâune trĂšs belle fĂȘte des pĂšres ;)
Stay Safe + Have fun, amicalement,
Grégory

đȘđș Dominique Strauss-Kahn : « La zone euro est en train de franchir un pas historique » (Les Ăchos, 18 juin 2020)
Par Nicolas Barré, Daniel Fortin
âïž 4 choses Ă retenir :
Historiquement opposĂ©e Ă la mutualisation des dettes, lâEurope est en train de changer son fusil dâĂ©paule sous lâimpulsion de lâAllemagne et de la France. ConcrĂštement cela veut dire que l'Europe va lancer au niveau supra-national un emprunt massif pour soutenir les Ă©conomies. Cet emprunt europĂ©en complĂštera ainsi un plan de relance gĂ©ant de 750 milliards dâeuros.
Au fond, en constituant ainsi ses fonds propres, lâEurope est peut-ĂȘtre en train de rĂ©parer une de ses erreurs originelles en assurant une vraie solidaritĂ© europĂ©enne, cessant ainsi dâopposer dogmatiquement les pays vertueux (du Nord) et moins vertueux (du Sud).
La relativisation de lâorthodoxie financiĂšre allemande, mal adaptĂ©e au pays les plus fragiles, a pour objectif dâĂ©viter une possible dislocation europĂ©enne rendue inexorable par lâinsoutenable divergence entre les Ătats membres.
DSK avance par ailleurs lâidĂ©e que lâEurope Ă©mette une ârente perpĂ©tuelleâ â qui consiste Ă ne payer que des intĂ©rĂȘts et Ă ne pas rembourser de capital, et qui semble lâoutil le plus appropriĂ© pour les Ătats membres.
đ Pourquoi cette interview de DSK est passionnante :
Les analyses de lâancien directeur gĂ©nĂ©ral du FMI sont souvent gĂ©niales, avec cette capacitĂ© Ă expliquer simplement des choses compliquĂ©es. Ici DSK nous dit ce dont on a lâintuition en observant les Ă©vĂšnements bruxellois : quelque-chose est (enfin) en train de bouger en Europe.
Nous avons Ă©tĂ© bercĂ©s par lâorthodoxie allemande qui trouvait ses origines dans le trauma de lâhyper-inflation de la RĂ©publique de Weimar, et qui est devenue la matrice de la rigueur budgĂ©taire europĂ©enne, conduisant certains Ătats mal gĂ©rĂ©s Ă de grands sacrifices sociaux, comme la GrĂšce.
Une fois de plus, le coronavirus est un catalyseur de changement. Et une fois de plus, ces initiatives de lâEurope sont lĂ pour dĂ©montrer que les Etats puissants, partout dans le monde, feront tout ce quâils peuvent pour limiter le choc liĂ© au lockdown mondial.

© Le Club des Juristes
đŠ Marc Andreessen on how he spends his time, learns, the 'build' essay and much more (The Observer Effect, May 2020)
Par Sriram Krishnan
âïž 3 choses Ă retenir :
Sur la productivitĂ©. Pour Andreessen, la gestion du temps est la prioritĂ© n°1. Cette gestion passe par une rĂšgle simple : suivre Ă la lettre un agenda extrĂȘmement complet (du lever au coucher) avec des jours dĂ©diĂ©s au team work (lundi et vendredi) et des jours dĂ©diĂ©s aux interactions (du mardi au jeudi) avec plusieurs open-spaces. Dans une industrie de service (S.L.A. = Service Level Agreement) cela permet de respecter ce moto ancestral de JP Morgan qui lâa tant inspirĂ© : "first class business in first class way". Or cette culture implique de rĂ©pondre vite, et bien, aux demandes / requĂȘtes, etc. C.Q.F.D.
Sur la lecture. Pour comprendre le prĂ©sent et anticiper le futur, la lecture est ultra-primordiale, quelle que soit en rĂ©alitĂ© la forme quâelle prend (on peut lire de lâactualitĂ© ou au contraire un sujet de fond, on peut ne pas terminer les livres, lire de nombreux livres en mĂȘme temps, prendre des notes que lâon ne relira jamais, lire les livres comme on lirait des blog-posts chapitrĂ©s, et cetera), permet de rĂ©pondre aux grandes questions de lâunivers et notamment Ă cela :
âEssentially, what the hell is happening and why? The world's an incredibly complex and erratic place and trying to figure that out ...is kind of a lifetime occupation.â
Sur Itâs time to build. Le 19 avril, alors que le monde sâenfermait chez lui pour juguler lâexplosion de la pandĂ©mie et que la ville de New York appelait les habitants de la ville Ă apporter leurs ponchos de pluie (sic) en guise de sur-blouses pour les soignants, lâinvestisseur de la VallĂ©e a appelĂ© tout simplement Ă une chose : construire. Car au fond, alors que le monde se digitalisait Ă toute vitesse, on rĂ©alisait avec toutes les dĂ©faillances de nos riches nations mises en exergue par le coronavirus, que lâon avait beaucoup oubliĂ© de bĂątir (physiquement).
đ Pourquoi cette interview de Marc Andreessen est (absolument) un rĂ©gal :
On ne prĂ©sente plus Marc Andreessen, dont la firme a rĂ©alisĂ© des investissements audacieux dans Facebook, Twitter ou GitHub. Andreessen est surtout connu pour avoir rĂ©digĂ© en 2011 le fameux blog post âWhy Software Is Eating the Worldâ â qui se rĂ©vĂšle un peu plus vrai chaque jour (et ce dans le monde dâavant comme dans le monde dâaprĂšs).
Cette interview Ă bĂątons rompus est un deep dive dans le cerveau gĂ©nial de lâinvestisseur et permet de comprendre son mode de pensĂ©e et ses process. Et câest une chance unique de pouvoir ainsi mieux sâinspirer de celles et ceux qui, littĂ©ralement, font, le monde.
Lecteur qui se veut avide, mais dont la gestion du stock de livres en cours de lecture est toujours un problĂšme (la fameuse pile qui nâen finit jamais de sâauto-alimenter, menant une sorte de vie parallĂšle dâentitĂ© autonome qui sâĂ©tend de la table de nuit au salon en passant par le bureau), le rapport de Marc Andreessen aux livres mâa Ă©tĂ© particuliĂšrement savoureux.

đ Manifeste pour soutenir lâinclusion sans dĂ©lai (collectif de grands dirigeants, Figarovox, 19 juin 2020)
Tribune signée par une soixantaines de grands patrons et décideurs dont notamment Stéphane Richard (Orange), Alexandre Bompard (Carrefour), Emmanuel Faber (Danone), Sébastien Bazin (Accor), Bertrand Badré (Blue Like an Orange), Augustin de Romanet (ADP), et Jean-Marc Borello (Groupe SOS).
âïž 3 choses Ă retenir :
Les impacts socio-Ă©conomiques de la crise liĂ©e au coronavirus seront lourds, avec dĂ©jĂ plus dâun million de (nouveaux) demandeurs dâemplois depuis le dĂ©clenchement de cette derniĂšre.
Dans ce contexte, les entreprises sociales inclusives (câest-Ă -dire qui Ćuvrent pour lâinsertion professionnelle des personnes les plus Ă©loignĂ©es de lâemploi, notamment en situation de handicap) ont jouĂ©, et vont jouer, un rĂŽle crucial de rempart face Ă la violence de la dĂ©flagration.
Ce collectif de grands patrons demande donc un soutien immédiat des pouvoirs publics aux entreprises inclusives afin que ces derniÚres puissent faire mieux face aux défis à venir. De plus, de par les externalités positives trÚs importantes de ces entreprises, ils prévoient un impact budgétaire net nul.
đ Pourquoi ce manifeste est crucial :
En cette pĂ©riode troublĂ©e, il est important que les entreprises fassent entendre leur voix, non seulement pour leurs communautĂ©s mais aussi pour dĂ©fendre celles dâentre-elles qui ont pour principale mission dâemployer les personnes les plus fragiles socialement.
LâEtat fait beaucoup mais ne peut pas tout, et les patrons, petits et grands, peuvent ĂȘtre un vecteur trĂšs puissant de justice sociale.
Que des voix si importantes sâĂ©lĂšvent pour demander de faire plus pour bĂątir une Ă©conomie gagnante sur le long-terme en devenant plus solidaire et donc rĂ©siliante est extrĂȘmement instructif. Câest dans ce contexte, notamment sous lâimpulsion de la loi PACTE, que de plus en plus dâentreprises veulent passer au statut âdâentreprises Ă missionâ â câest-Ă -dire, des entreprises qui se dĂ©finissent statutairement, en plus du but lucratif, par une finalitĂ© d'ordre social ou environnementalâ.
đœ Why Juneteenth Matters (New York Times, June 18, 2020)
Par Jamelle Bouie
âïž 3 choses Ă retenir :
Juneteenth, dont on a beaucoup parlĂ© cette semaine dans la presse amĂ©ricaine et internationale, cĂ©lĂšbre le 19 juin 1865, oĂč le GĂ©nĂ©ral Gordon Granger est entrĂ© dans Galveston, au Texas, pour annoncer la Proclamation de lâEmancipation des esclaves de cette rĂ©gion.
Mais si lâon pose la question âQui a libĂ©rĂ© les esclaves? â, la vĂ©ritĂ© est que ces derniers se sont libĂ©rĂ©s eux-mĂȘmes :
âNeither Abraham Lincoln nor the Republican Party freed the slaves. They helped set freedom in motion and eventually codified it into law with the 13th Amendment, but they were not themselves responsible for the end of slavery. They were not the ones who brought about its final destruction.â
Cette Ă©mancipation qui a permis Ă lâAmĂ©rique de devenir une vraie dĂ©mocratie est, dans le contexte du mouvement Black Lives Matter, aujourdâhui cĂ©lĂ©brĂ©e beaucoup plus largement que dans la communautĂ© afro-amĂ©ricaine, avec des institutions importantes comme Nike, Twitter, ou la NFL, qui ont fait de Juneteenth une paid holiday.
đ Pourquoi Juneteenth est vraiment trĂšs important :
Le bĂ©nĂ©fice des crises profondes est quâelles servent de catalyseur. Et le mouvement BLM a rendu mainstream la lutte contre le racisme aux Etats-Unis et Ă travers le monde et ainsi on apprend tous un peu mieux lâHistoire.
Le retentissement cette annĂ©e de Juneteenth donne envie de se plonger mieux dans lâhistoire des Etats-Unis car le combat contre le racisme et les violences faites aux minoritĂ©s est clairement le miroir de nos sociĂ©tĂ©s, et ce Ă toutes les Ă©poques.


đš Mark Bradfordâs art sees all the broken places that led to this moment of protest (Washington Post, June 9, 2020)
Par Sebastian Smee
đ Pourquoi ce papier est une merveille qui nous fait penser que rien ne remplacera jamais la presse
La situation brĂ»lante aux Etats-Unis constitue ces temps-ci un chaos urbain dĂ©jĂ bien connu, comme par exemple lors de lâaffaire O.J. Simpson, oĂč Ă lâenvie de lâopinion publique dâen savoir plus tout de suite et tout le temps ne rĂ©pond que celle de prendre (littĂ©ralement) de la hauteur â dâoĂč les plans par hĂ©licoptĂšre dans lâexcellent âO.J.: Made in Americaâ qui montre L.A. de trĂšs haut. L'hĂ©licoptĂšre comme allĂ©gorie dâune situation si complexe quâil est impossible de la voir Ă hauteur dâhomme â comme ce que lâon vit en ce moment.
Dans cet article magnifiquement Ă©crit â le genre dâarticle qui donne envie de lire du trĂšs bel anglais â Sebastien Smee fait le parallĂšle entre la vue par hĂ©licoptĂšre (la fameuse helicopter view que lâon demande parfois dâadopter en entreprise) et lâart du peintre de Los Angeles Mark Bradford (qui conclut lâintro de cette newsletter).
âIt is almost impossible, without art, to hold so many images in your head, let alone to try to make sense of them. Which may be why I am thinking more than ever these days of the art of Mark Bradford.â
Artiste mondialement acclamĂ©, Bradford reprĂ©sente dans un art extrĂȘmement dur Ă photographier ce Los Angeles dans une forme viscĂ©rale et tactile.
âBradfordâs works of the 2000s synthesize two opposing visions. Even as they conjure aerial views, they have a visceral, proximate, almost tactile quality. This is the direct result of Bradfordâs materials and methods.â
Et bien-sĂ»r, comme son art est aussi dur Ă photographier que L.A. Ă reprĂ©senter, on pense Ă cette phrase de Tom Cruise dans Collateral de Michael Mann qui dĂ©plore que la ville soit si âdisconnectedâ â or lâart est justement lĂ pour la reprĂ©senter.
Municipales : Les derniers jours de Jean-Claude Gaudin ou la fin d'une époque (Vanity Fair, 19 juin 2020)
Par Lisa Vignoli
đPourquoi on aime ce papier (ensoleillĂ©)
Dans ce article de Vanity Fair comme on a appris Ă les aimer dans la version originale du journal, (mon importante amie) lâĂ©crivaine mĂ©diterranĂ©o-germanopratine Lisa Vignoli croque Jean-Claude Gaudin, monstre sacrĂ© de la vie politique française et maire sortant de Marseille, qui va passer les rĂȘnes de sa mairie aprĂšs un quart de siĂšcle Ă la tĂȘte de la citĂ© phocĂ©enne (popularisĂ©e par la sĂ©rie Ă©ponyme sur Netflix). Et Lisa de dĂ©crire dâautant mieux lâĂ©dile du Sud quâelle symbolise justement pour tous ceux qui la connaissent ce Sud que lâon aime de plus en plus, et notamment Marseille quâelle mâa fait connaitre pour de bon lâannĂ©e derniĂšre.
Jean-Claude Gaudin appartient Ă Ă cette cohorte qui se rĂ©duit comme peau de chagrin des titans pittoresques dâun monde (politique) qui nâest plus, comme Charles Pasqua, Gaston Deferre, et Georges FrĂȘche (oui, le Sud, encore).
Lisa revient avec un Monsieur le Maire attachant qui fend un peu lâarmure sur sa longue carriĂšre (il entre au palais du Luxembourg, Ă 25 ans, en 1965), avec ses drames et ses Ă©popĂ©es et qui sâachĂšve sur cette Ă©trange Ă©poque du coronavirus qui rallonge les mandatures et oblige ce lion Ă sâexposer sur des rĂ©seaux sociaux quâil doit, le comble, apprendre Ă apprivoiser.
Et dans ce trĂšs joli papier de lâĂ©crivaine, en toile de fond de M. Gaudin, il y Marseille qui change, quâelle aime, et qui est mĂȘme devenu mainstream pour les Parisiens que nous sommes. Câest vrai que Marseille câest dĂ©jĂ un peu lâOrient et la ville a mĂȘme parfois des airs de Tel Aviv â Marseille câest La MĂ©diterranĂ©e de Fernand Braudel.
Si vous avez aimĂ© ce portrait peint par Lisa, je vous invite Ă lire son trĂšs beau livre Parlez-moi encore de lui, un roman biographique qui traite dâune personnalitĂ© aussi attachante et brillante quâinconnue de notre gĂ©nĂ©ration, Jean-Michel Gravier. En plus câest trĂšs bien Ă©crit.

đȘ Letter: Proustâs study of French life is lockdown favourite (Financial Times, June 15, 2020)
Par From Alastair Conan
đPourquoi câest Ă©tonnant
Que lâun de mes journaux favoris, le FT, aborde Proust (mon auteur prĂ©fĂ©rĂ©, avec La Recherche du temps perdu qui dĂ©sormais devra cohabiter dans mon panthĂ©on personnel avec Game of Thrones â jâimagine dâici la rencontre de la reine Daenerys Targaryen avec la duchesse Oriane de Guermantes ou de Charles Swann avec Tyrion Lannister) est Ă la fois rare mais logique.
Proust, qui lui-mĂȘme a Ă©crit en Ă©tant confinĂ© boulevard Haussmann, a Ă©tĂ© le compagnon de lecture ou de relecture de beaucoup de confinĂ©.e.s. Ou en tout cas on en a beaucoup parlĂ© sur Twitter. Pour ma part je me suis replongĂ© avec dĂ©lice (et notes) sur Du cĂŽtĂ© de chez Swann â et câest encore mieux que dans mon souvenir (lâinverse de Proust qui en gĂ©nĂ©ral trouvait que les chose dans son souvenir Ă©taient mieux que dans la rĂ©alitĂ©).

Merci à tous pour votre temps précieux ;)