Chers tous,
Merci pour vos nombreux mots bienveillants reçus cette semaine, Ă lâoccasion du retour de cette newsletter. Je crois trĂšs fort dans le continuum entre les mondes. Il nây a souvent quâun pas entre un mail Ă©changĂ© et un bon pot de cafĂ© partagĂ© au petit matin dans un cafĂ© bien connu du boulevard Saint-Germain.
Le titre de cette Ă©dition vous paraĂźtra peut-ĂȘtre mĂ©diĂ©val. Il lâest un peu, mais pas seulement. Il mâa Ă©tĂ© soufflĂ© â directement ou non â par la sĂ©rie Yellowstone, que nous regardons en ce moment. Kevin Costner y rĂšgne sur un Montana majestueux, mais inquiet. Un monde dâalliances mouvantes, dâamitiĂ©s piĂ©gĂ©es et de frontiĂšres floues.
Car câest bien ce que nous vivons : un brouillage des lignes. AlliĂ©s, concurrents, ennemis⊠la Silicon Valley avait un mot pour cela : âfrenemiesâ. Les GAFAM et leurs hĂ©ritiers lâincarnent â compĂ©tition, API, participations croisĂ©es dans les mĂȘmes startups â et leur frĂ©nĂ©sie dâinvestissements dans lâIA ne fait quâajouter au brouillard. Dans cette confusion, mĂȘme Apple semble parfois en dĂ©calage, coincĂ© entre promesses et usages. Et que dire de Google me demanderez-vous.
Le monde se morcelle, non plus en blocs mais en fiefs. Jâai longtemps pensĂ© â et je le pense de plus en plus â que nous sommes revenus Ă un Ăąge fĂ©odal. FragmentĂ©, incertain, prĂ©dateur. Un monde oĂč les seigneurs nâavancent plus vraiment masquĂ©s et oĂč les triomphateurs dâun soir peuvent ĂȘtre les exilĂ©s du lendemain.
Enfin, un mot de lumiĂšre. Je veux saluer lâĂ©lection du nouveau pape, LĂ©on XIV, dont le message inaugural â « La paix soit avec vous tous » â porte une promesse dâouverture et de fraternitĂ©. Missionnaire, AmĂ©ricain, homme de dialogue, il succĂšde Ă François dont le pontificat fut celui de lâhumilitĂ© et de la tendresse. Puisse-t-il poursuivre cette Ćuvre.
Bonne fin de semaine, avec toute mon amitié,
Grégory
PS : La bonne action du jour ? Partager cette lettre à vos proches, pour faire grandir cette petite communauté de lecteurs fidÚles.
© Jean-Michel Basquiat (sans titre), mis aux enchĂšres Ă New York chez Sothebyâs la semaine prochaine. EstimĂ© entre 10 et 15 millions de dollars. Pour enchĂ©rir, câest ici.
Le tweet de la semaine :
Le graph de la semaine :
A Conversation with Citadel CEO Ken Griffin | Global Conference 2025 (Milken Global Conference 2025, May 9, 2025)
RĂ©sumĂ© â LâAmĂ©rique fracturĂ©e : entre dettes, dĂ©crochage Ă©ducatif et perte dâattractivitĂ©. Ă lâoccasion de la Milken Global Conference (mon rĂȘve), qui a lieu Ă L.A., Michael Milken (Milken Institute) et Ken Griffin (Citadel) â donc deux titans â ont livrĂ© une analyse sans concession des failles structurelles qui menacent la prospĂ©ritĂ© amĂ©ricaine.
Un pays Ă la recherche de son cap. Ă la Milken Global Conference, Michael Milken et Ken Griffin ont livrĂ© une radiographie inquiĂšte dâune AmĂ©rique qui doute dâelle-mĂȘme.
Tarifs douaniers et dette publique : la double impasse. Les droits de douane sont jugĂ©s rĂ©gressifs. La dette atteint 120 % du PIB, limitant toute marge de manĆuvre. « On ne peut pas vivre Ă©ternellement avec 2 000 milliards de dĂ©ficit », avertit Milken.
La promesse Ă©ducative brisĂ©e. Des Ă©coles publiques en Ă©chec, des universitĂ©s Ă©litistes coupĂ©es du rĂ©el : lâascenseur social est grippĂ©.
La marque "AmĂ©rique" sâeffrite. Le pays nâattire plus ses propres diplĂŽmĂ©s Ă©trangers. Milken plaide pour un visa automatique aprĂšs les Ă©tudes et une reconquĂȘte du soft power Ă©ducatif.
RĂ©armer le rĂ©cit amĂ©ricain. Pour redevenir dĂ©sirable, lâAmĂ©rique doit investir dans son capital humain : musĂ©es, Ă©coles indĂ©pendantes, professeurs revalorisĂ©s. Et surtout, retrouver une volontĂ© politique Ă la hauteur des enjeux.
Conclusion â Pour Milken et Griffin, la survie du rĂȘve amĂ©ricain dĂ©pend dâun sursaut politique : rĂ©former la fiscalitĂ©, investir dans lâinnovation et transformer lâĂ©ducation. Faute de quoi, lâAmĂ©rique pourrait perdre son leadership mondial.
Private equityâs best days are over, says Egyptian billionaire Nassef Sawiris (Financial Times, May 5th, 2025)
RĂ©sumĂ© â Private equity : Nassef Sawiris dĂ©crĂšte la fin de lâĂąge dâor (ce nâest pas lâopinion de lâauteur de cette newsletter mais la vision de M. Sawiris, qui ne manque pas de franc-parler).
Le magnat Ă©gyptien Nassef Sawiris estime que lâindustrie du PE a dĂ©passĂ© son apogĂ©e. Il critique vertement le secteur, incapable selon lui de gĂ©nĂ©rer des sorties (exits) depuis plusieurs annĂ©es, au grand dam des investisseurs frustrĂ©s qui n'ont pas vu de retours significatifs depuis 5 Ă 6 ans.
Sawiris dĂ©nonce particuliĂšrement les fonds de continuation, quâil qualifie de âplus grande arnaque jamais vueâ : au lieu de vendre les actifs ou de les introduire en bourse, les sociĂ©tĂ©s de capital-investissement les dĂ©placent dans un nouveau fonds pour retarder la sortie, tout en les endettant davantage.
Ă contre-courant de cette tendance, Sawiris a dĂ©mantelĂ© son conglomĂ©rat OCI en vendant ses actifs (mĂ©thanol, engrais, ammoniaque bas-carbone) Ă des industriels plutĂŽt quâĂ des fonds, engrangeant 11,6 milliards de dollars de cessions, et redistribuant 6,4 milliards de dollars Ă ses actionnaires.
Il affirme avoir examinĂ© plus de 70 sociĂ©tĂ©s dĂ©tenues par des fonds de PE, sans en trouver une seule digne dâacquisition.
Enfin, il critique le dĂ©sĂ©quilibre des prioritĂ©s des fonds, plus occupĂ©s Ă lever de nouveaux capitaux quâĂ gĂ©rer les entreprises quâils dĂ©tiennent.
Selon Sawiris, seuls les acteurs capables de rivaliser avec les grandes banques comme JPMorgan â Ă lâimage de Blackstone â ont un avenir.
Capital Group and KKR Launch Their First Two Public-Private Investment Solutions and Announce Plans to Expand Their Exclusive Strategic Partnership (May 23, 2025)
â Analyse personnelle â
Alliance entre KKR et Capital Group : Explications et Enjeux
L'annonce cette semaine de l'alliance entre KKR et Capital Group marque un tournant majeur dans l'accÚs des investisseurs individuels aux marchés privés, traditionnellement réservés aux institutionnels ou aux trÚs grandes fortunes.
Pendant trop longtemps, les meilleurs produits Ă©taient l'apanage d'une super-Ă©lite. Cette Ă©poque semble dĂ©sormais rĂ©volue. Cette dĂ©mocratisation bienvenue s'accĂ©lĂšre, paradoxalement, grĂące aux difficultĂ©s de levĂ©es de fonds des gestionnaires de capital privĂ©, qui dĂ©laissent leur clientĂšle traditionnelle â grandes institutions et family offices â pour s'intĂ©resser enfin Ă la veuve de Carpentras.
Ă retenir
Lâalliance KKRâCapital Group est une Ă©tape structurante dans la dĂ©mocratisation des actifs privĂ©s. Si le succĂšs dĂ©pendra de la performance et de lâadoption par les conseillers, cette initiative pourrait transformer durablement lâoffre dâinvestissement pour les particuliers, en leur ouvrant enfin les portes dâune classe dâactifs longtemps rĂ©servĂ©e Ă une Ă©lite.
Nature de lâalliance
Capital Group (2 800 milliards de dollars dâactifs sous gestion) et KKR (+600 milliards) ont nouĂ© un partenariat exclusif pour lancer une nouvelle gamme de fonds dits âPublic-Privateâ.
Cette collaboration vise Ă dĂ©mocratiser lâaccĂšs aux actifs privĂ©s en proposant des fonds hybrides, mĂȘlant titres cotĂ©s (obligations, actions) et actifs privĂ©s (crĂ©dit direct, financements adossĂ©s Ă des actifs).
Premiers produits lancés
Deux fonds, Capital Group KKR Core Plus+ et Capital Group KKR Multi-Sector+, viennent dâĂȘtre lancĂ©s aux Ătats-Unis.
Structure cible : environ 60 % dâobligations cotĂ©es et 40 % de crĂ©dit privĂ© (direct lending, asset-based finance).
Objectif : offrir aux investisseurs particuliers une exposition diversifiĂ©e avec un rendement supĂ©rieur Ă celui des obligations traditionnelles, tout en limitant lâilliquiditĂ© propre aux fonds purement privĂ©s.
Accessibilité et conditions
Ticket dâentrĂ©e bas : 1 000 dollars, contre souvent un million pour certains fonds privĂ©s classiques
Frais compétitifs : 0,84 % pour Core Plus+, 0,89 % pour Multi-Sector.
Vision stratégique
Lâobjectif affichĂ© est de toucher les 95 % dâinvestisseurs individuels amĂ©ricains historiquement exclus des marchĂ©s privĂ©s.
Les deux groupes travaillent déjà sur de futurs produits, notamment des solutions hybrides actions/privé prévues pour 2026, ainsi que des portefeuilles modÚles et des fonds de retraite intégrant des actifs privés.
Un volet Ă©ducatif accompagne lâoffre : modules pour conseillers financiers, outils de construction de portefeuille, ressources pĂ©dagogiques interactives.
Contexte de marché et enjeux
Cette alliance sâinscrit dans une tendance de fond : la volontĂ© des grands gestionnaires dâactifs dâouvrir les marchĂ©s privĂ©s au plus grand nombre, dans un contexte de recherche de rendement et de diversification face Ă la volatilitĂ© des marchĂ©s cotĂ©s.
Elle rĂ©pond aussi Ă lâĂ©volution rĂ©glementaire amĂ©ricaine, qui facilite lâaccĂšs aux actifs alternatifs via des fonds dâintervalle.
Capital Group apporte sa force de frappe en distribution et son expertise sur les marchés publics, KKR son savoir-faire sur le non coté et le crédit privé.
The Giants of Silicon Valley Are Having a Midlife Crisis Over AI (Wall Street Journal, May 10th, 2025)
RĂ©sumĂ© â Les gĂ©ants de la tech face Ă leur propre fragilitĂ© : Longtemps perçus comme les maĂźtres du jeu, les leaders de la Silicon Valley semblent dĂ©sormais pris dans une dynamique quâils ne contrĂŽlent plus totalement : celle dâune intelligence artificielle quâils peinent Ă maĂźtriser autant quâĂ intĂ©grer.
Jâaime beaucoup ce type de papier. Câest tout Ă fait mon humour, ou kind of. Je retiendrai les premiĂšres phrases :
Middle age hits hardâeven for the Kings of Silicon Valley.
One minute youâre upending established industries as the young disrupter. The next, youâre staring into the abyss, eating glassâas Elon Musk likes to sayâwatching the disruption at your door.
Most, if not all, of the Magnificent Seven are in that positionâweirdly trying at the same time to figure out the threat of artificial intelligence to their kingdoms.
Google a vu son action chuter de 7 % aprÚs des révélations sur un recul inédit du trafic sur Safari, remettant en question la centralité de son moteur de recherche. Son assistant IA, Gemini, reste encore loin de convaincre.
Apple, en retard sur lâIA, temporise. Tim Cook demande du temps, mais lâabsence de cap clair interroge.
Meta cherche un second souffle en rĂ©orientant sa stratĂ©gie autour dâune IA âcompagnonâ (pour avoir un ami quoi), dans un contexte de saturation publicitaire.
Elon Musk, confronté à la baisse de Tesla, relance le récit des voitures autonomes, sans résultats concrets à court terme.
Microsoft semble mieux positionnĂ©, grĂące Ă son intĂ©gration rapide de lâIA dans lâĂ©cosystĂšme professionnel, tout comme Nvidia, fournisseur clĂ© de cette nouvelle infrastructure.
Aucun acteur dominant ne semble aujourdâhui en mesure dâimposer un modĂšle. Lâincertitude grandit, et avec elle, lâidĂ©e que la prochaine vague dâinnovation pourrait venir dâailleurs.
Une gĂ©nĂ©ration montante, plus agile, guette lâouverture.
Merci beaucoup pour votre attention ;)