Dear all,
Lorsque j'ai choisi de renommer cette newsletter "Chaos Sérénade" à la place de "Dimanche Seven", j'ai suivi une intuition, ou plutÎt une observation : nous vivons une époque structurellement instable. Les récents événements en Russie et en France nous rappellent, une fois de plus, que la paix civile, ce concept minutieusement élaboré par les philosophes des XVIIe et XVIIIe siÚcles, est un véritable challenge - tout comme la paix mondiale.
J'ai beaucoup rĂ©flĂ©chi Ă ces idĂ©es en me rasant (jâai renoncĂ© pour le moment au hipsterisme ambiant qui mâavait tant sĂ©duit), repensĂ© au LĂ©viathan de Hobbes, Ă Rousseau et son Ă©tat de nature, et bien sĂ»r Ă Montesquieu et l'esprit des lois. Il suffit de remonter un peu au XIXe siĂšcle pour se souvenir du monopole de la violence lĂ©gitime de Weber - un concept frĂ©quemment citĂ© dans la presse la semaine derniĂšre Ă propos du Groupe Wagner.
Chez "Chaos Sérénade" nous avons choisi de ne pas nous pencher directement sur la politique.
Cependant, plusieurs de mes chers amis me diraient : "Grégory, tout est politique !". Et les thÚmes qui nous intéressent ici, la finance et la technologie, font bien sûr partie d'un tout.
Pour conclure, j'aimerais partager quatre pensĂ©es. đ
Une pensĂ©e Ă©mue pour le jeune Nahel (en souhaitant que la justice fasse son travail nĂ©cessaire dans le calme d'un Ătat de droit).
Une pensée pour la France qui traverse une période de crise intense en ce début d'été.
Une pensée pour les victimes des violences urbaines qui secouent notre pays depuis plusieurs jours.
Une pensĂ©e pour la RĂ©publique française qui, j'en suis sĂ»r, protĂ©gera ses citoyens grĂące Ă l'action dĂ©terminĂ©e de l'Ătat.
Proust dirait que le mot "France" signifie bien plus que la simple description WikipĂ©dia du pays (se rappeler du long passage sur la Duchesse de Guermantes que lâon aime tant dans âDu cĂŽtĂ© de Guermantesâ). Il y a un esprit français et notre influence dans le monde dĂ©passe de loin notre PIB et notre armĂ©e : nous ne sommes pas un pays comme les autres.
Comme le disait Jean Giraudoux : "La France a une civilisation dont elle n'est pas propriétaire, mais dont elle est responsable devant l'univers".
Bonne fin de weekend, good night and good luck,
Grégory
© GrĂ©gory Edberg - Vue du Grand Canal depuis le Pont de lâAcadĂ©mie, Ă Venise - where else ?
đž Apolloâs mission in finance (Financial Times, June 17, 2023)
Par William Cohan (ancien banquier et brillant commentateur de Wall Street, auteur de magnifiques livres sur la finance, notamment sur Lazard, âThe Last Tycoonsâ).
đ **Le PDG d'Apollo Global Management, Marc Rowan, se dĂ©fend face aux critiques des banques traditionnelles !** đ
đ Selon certains responsables de grandes banques europĂ©ennes, Apollo, qui gĂšre 600 milliards de dollars d'actifs, bĂ©nĂ©ficierait d'un "favoritisme rĂ©glementaire". Ils accusent Apollo et d'autres gĂ©rants d'actifs peu rĂ©gulĂ©s (comme Blackstone, KKR, Ares) de faire partie du terrifiant marchĂ© "shadow banking" đŠđ», le far west de la finance.
đŁïž En rĂ©ponse, Rowan a dĂ©clarĂ© qu'Apollo avait un "pourcentage beaucoup plus Ă©levĂ©" de dettes d'investissement de qualitĂ© dans son bilan que la banque europĂ©enne dont le PDG le critiquait lors dâune entrevue. Il a ajoutĂ© qu'Apollo cherche Ă faire correspondre ses actifs et ses passifs du point de vue de la durĂ©e, contrairement Ă la plupart des banques qui empruntent Ă court terme et prĂȘtent Ă long terme. đ°âïž
đ Il a en outre soulignĂ© que les dĂ©tails du portefeuille d'Apollo sont accessibles en ligne, dĂ©montrant une transparence accrue.
đ„ Depuis la crise financiĂšre de 2008 et l'adoption de la loi Dodd-Frank, les fonds de PE jouent un rĂŽle bien plus important. Les grandes banques de Wall Street ont vu leur capacitĂ© d'innovation et de prise de risque diminuer, par choix dĂ©libĂ©rĂ© de la RĂ©serve fĂ©dĂ©rale amĂ©ricaine.
đ Cela a ouvert des opportunitĂ©s pour des entreprises comme Apollo, Blackstone et KKR. Mais il reste une perception que ces gĂ©rants "alternatifs" prennent des risques dĂ©mesurĂ©s, leur donnant un avantage injuste.
đŻ Selon Rowan, Apollo fait de l'argent Ă l'ancienne : prenant des risques prudents lĂ oĂč d'autres ne veulent plus aller, comme dans le financement senior garanti des crĂ©ances, des avions, de l'immobilier et des Ă©quipements.
đ En 2021, Apollo a fusionnĂ© avec Athene Holding, une compagnie d'assurance vie qu'elle avait crĂ©Ă©e Ă la suite de la crise financiĂšre mondiale, lui permettant de collecter des fonds Ă bas coĂ»t pour prĂȘter Ă des taux plus Ă©levĂ©s.
đ„ Pas Ă©tonnant que ces gĂ©rants d'actifs alternatifs deviennent les nouveaux poids lourds de Wall Street ! đ„
đ Behind Elon Muskâs Management Philosophy: First Principles (Wall Street Journal, June 17, 2023)
Par Tim Higgins
đ La nouvelle PDG de Twitter, Linda Yaccarino, s'inspire de la philosophie "first principles" d'Elon Musk pour rĂ©soudre les problĂšmes. Au lieu de s'appuyer sur ce qui a Ă©tĂ© fait avant, cette approche prĂŽne une dĂ©construction des problĂšmes jusqu'Ă leurs vĂ©ritĂ©s fondamentales.
đ Yaccarino encourage une transformation en profondeur et une pensĂ©e visionnaire, en se libĂ©rant des prĂ©conceptions et en construisant Ă partir de zĂ©ro. Cette philosophie a Ă©tĂ© le moteur des rĂ©ussites majeures de Musk, notamment SpaceX et Tesla.
đĄ Par exemple, l'histoire de la crĂ©ation de SpaceX repose sur le pari audacieux de Musk selon lequel il pouvait rendre les voyages dans l'espace plus abordables, dĂ©fiants ainsi la croyance conventionnelle que les fusĂ©es ne pouvaient pas ĂȘtre rĂ©utilisĂ©es efficacement.
đ De mĂȘme, chez Tesla, Musk a fondĂ© l'entreprise sur la conviction que les voitures Ă©lectriques pouvaient ĂȘtre rendues abordables, alors que la croyance dominante Ă l'Ă©poque Ă©tait que les batteries de vĂ©hicules Ă©taient tout simplement trop coĂ»teuses pour ĂȘtre pratiques.
đŻ C'est en s'appuyant sur ce principe que Musk a rĂ©ussi Ă transformer ces industries et Yaccarino semble dĂ©terminĂ©e Ă appliquer une approche similaire chez Twitter. Nous devrons surveiller de prĂšs pour voir quelles innovations cette philosophie pourrait apporter Ă l'avenir de la plateforme de mĂ©dias sociaux.
đš A la Punta della Dogana, les « IcĂŽnes » de François Pinault tanguent entre le sacrĂ© et le sacrilĂšge (Le Monde, 14 mai 2023)
Par Harry Bellet
Un papier sur une exposition magnifique que jâai vue dans la CitĂ© des doges il y a quinze jours. Une merveille.
đš L'exposition "IcĂŽnes", rassemblant 80 Ćuvres de trente artistes principalement de la collection François Pinault, est prĂ©sentĂ©e jusqu'au 26 novembre Ă la Punta della Dogana, un des deux musĂ©es de Pinault Ă Venise.
đ·đș Le concept d'icĂŽne ici est contemporain, introduit par les artistes russes Vassily Kandinsky et Kasimir Malevitch, pionniers de l'abstraction au XXe siĂšcle. Kandinsky, dans son livre "Du spirituel dans lâart" (1910), soutenait que ses Ćuvres abstraites avaient une dimension sacrĂ©e, similaire aux icĂŽnes. Les thĂ©ologiens orthodoxes pourraient y reconnaĂźtre le "noĂ»s", un concept nĂ©oplatonicien complexe, vu comme l'aspect de l'esprit par lequel la grĂące divine entre dans l'Ăąme.
đŒïž Malevitch, quant Ă lui, a peint son Ćuvre "Quadrangle", un carrĂ© noir sur fond blanc (1915), considĂ©rĂ© comme le degrĂ© zĂ©ro de la peinture. Il l'a exposĂ© Ă un angle Ă©levĂ©, dans les intĂ©rieurs russes, un emplacement traditionnellement rĂ©servĂ© aux icĂŽnes, marquant ainsi l'annexion de l'icĂŽne par l'abstraction.
đș L'exposition ne prĂ©sente ni Kandinsky, ni Malevitch, ni leurs successeurs aux prĂ©occupations mystiques, comme Mark Rothko. Les commissaires, Emma Lavigne et Bruno Racine, ont prĂ©fĂ©rĂ© l'Ă©gide de Lucio Fontana, dont une Ćuvre accueille les visiteurs, complexifiant davantage la notion d'icĂŽne.
Ci-dessous mon oeuvre prĂ©fĂ©rĂ©e de lâexposition : âOpalka 1965â oar Roman Opalka. On le voit mal ici mais chaque tableau est constituĂ©e dâune suite de chiffres. Un travail de fourmi et superbe. Ci-dessous ce quâen dit lâIA :
âOpalka 1965 refers to a series of artworks created by the Polish conceptual artist Roman Opalka. Opalka was known for his lifelong project called "1965/1ââ," in which he painted a series of consecutive numbers on canvas, starting from one and progressing toward infinity.â
đșđž Why Silicon Valley Moguls Are Backing Kennedyâs Presidential Run (New York Times, June 29, 2023)
Par Andrew Ross Sorkin, Ravi Mattu, Bernhard Warner, Michael J. de la Merced et Lauren Hirsch
đ© Robert Kennedy Jr., membre de la dynastie dĂ©mocrate, est un personnage controversĂ© qui se distingue par ses idĂ©es peu conventionnelles et sa popularitĂ© dans les sondages, alors que la course Ă l'Ă©lection de 2024 s'intensifie.
đ° Kennedy a su attirer le soutien de plusieurs figures importantes de la finance et de la technologie, dont le co-fondateur de Twitter, Jack Dorsey. Ce soutien se traduit par des dons financiers et une exposition mĂ©diatique importante.
đŹ Kennedy plaĂźt Ă ses soutiens en dĂ©fendant des intĂ©rĂȘts tels que les cryptomonnaies, en apparaissant dans des podcasts populaires et en critiquant la censure gouvernementale. Dorsey, grand supporter de Bitcoin, a citĂ© cette critique comme une raison de son soutien Ă Kennedy.
đ Sa remise en question des idĂ©es institutionnelles, notamment sur les avantages des vaccins, fait de Kennedy un personnage iconoclaste, mais aussi controversĂ©. Son entrevue a Ă©tĂ© retirĂ©e de YouTube pour dĂ©sinformation sur les vaccins.
đŒ Parmi ses supporters fortunĂ©s figurent Elon Musk et l'investisseur David Sacks, qui ont encouragĂ© un dĂ©bat public entre Kennedy et Peter Hotez, un chercheur en vaccins. Ils ont Ă©galement organisĂ© une levĂ©e de fonds pour Kennedy, qui a recueilli 500 000 $.
đ Mark Gorton, entrepreneur connu comme le fondateur de LimeWire et Tower Research, a aidĂ© Ă crĂ©er un PAC (Political Action Committee) centrĂ© sur Kennedy, qui aurait levĂ© au moins 5,7 millions de dollars. Omeed Malik, un autre investisseur, prĂ©voit d'organiser une levĂ©e de fonds pour Kennedy dans les Hamptons, avec une participation de 6 600 $ par personne.
Merci !
Bernard Arnault et Elon Musk Ă Paris il y a quelques semaines sur le toit de Cheval Blanc. Deux des plus grands entrepreneurs contemporains â et probablement de lâHistoire â sur les toits de Paris.