Chers tous,
Après une pause d’une petite semaine, D7 revient et voilà que, comme dans l’apothéose scénaristique d’une série en six ou sept saisons, les choses se compliquent, les enjeux se conjuguent, s’agrègent, se juxtaposent, et s’agglomèrent, le tout avec un effet de puissance, etc. Nous ne sommes pas là pour commenter ce qui l’est à longueur de journée. En revanche une pensée pour celles et ceux qui souffrent ou qui ne sont plus là.
Alors, tandis que le monde ressemble de plus en plus au chaos esthétiquement décrit dans Cosmopolis de Don DeLillo, un seul mot : Résilience. La définition via Google.

Bon dimanche après-midi, prenez soin de vous,
Grégory

© Kazuo Shiraga, Work II, 1958, oil on pape — “Gutai: Splendid Playground.”
📱 Big Tech shows its resilience to pandemic and politics (FT, Oct. 30, 2020)
Par Richard Waters, Dave Lee, Hannah Murphy et Patrick McGee
✏️ Que retenir des performances financières de Google, Apple, Facebook, et Amazon, qui publiaient cette semaine leurs résultats à fin septembre ?
Le CA trimestriel combiné des 4 principaux empires digitaux (hors-Chine) a augmenté de 18% sur un an, à 227 mds$ tandis que le résultat après taxe a atteint 39 mds$ (+31%).
Ces résultats de très bonne facture sont à analyser au regard du marché en général, qui souffre fort de la situation de pandémie qui n’en termine pas, avec un S&P 500 dont les revenus devraient baisser de 2% (et bénéfice net de 17%…).
Mais loin de faire sonner les trompettes, les GAFA font profil bas. En effet ils sont de plus en plus menacés à Washington — avec un régulateur qui s’inquiète de plus en plus de leurs super-pouvoirs à la fois économique (ce sont les seuls grands gagnants de la période actuelle en termes de parts de marché) et en terme politique, avec un pouvoir de “censure” de plus en plus montré du doigts.
Concrètement, (1) les revenus publicitaires de Google ont déjà rebondi de 6% après un plongeon de 10%, (2) tandis que ceux de Facebook ont bondi de 22% (pas touché par le boycott de sa plateforme par un millier de marques, (3) Amazon a cru de 37% grâce à son e-commerce, et (4) Apple voyait le retard dans la release de l’iPhone 12, mitigé par les ventes de iPad (+46%) et de Mac (+29%). Vous vous reconnaissez dans ces + j’en suis sûr ;)
🌿 Ces résultats sont-ils une surprise ? Bien-sûr que non. Au contraire de semaine en semaine tout confirme les tendances : on assiste à l’inexorable shift vers le digital. Et les GAFA ont encore beaucoup d’espace pour croître. Nous ne sommes qu’au début. En revanche nul doute que dans ce monde numérique et phygital, des acteurs alternatifs agiles et indépendants auront leur mot à dire.
🤳🏼 Influencers Are the Retailers of the 2020s (Vogue, Oct. 19, 2020)
Par Emily Farra
✏️ 3 choses à retenir de cet article très sérieux de Vogue
Apparues au début des années 2010, on croyait que les influenceuses allaient remplacer les rédactrices en chef des grands magazines. Mais il n’en n’a rien été, ou très peu. Non, les influenceuses (et accessoirement les influenceurs) sont devenues les stylish friends de centaines de millions de followers.
Résultat des courses, en 2019, les marques ont dépensés… 8 milliards de dollars sur les nouvelles star d’Internet via sponsoring, financement partenariats, collaborations, et affiliation.
Du coup les influenceuses génèrent de plus en plus de vente et l’effet d’éviction inquiète désormais moins les rédac chef que les retailers : en effet, la curation, plutôt que d’être faites par des organisations — B2C en quelque-sorte — se fait par des individus — C2C donc : “We want to hear from people, not corporations.”
“Unless you happen to like the way a retailer has styled that sweater on its website, likely on a headless model, all you’ll get is a brief product description and fabric breakdown. It’s almost entirely transactional.”
💳 Inside Ant, the Company Behind the World’s Biggest IPO (Wall Street Journal, Oct. 27, 2020)
Par Yasufumi Saito, Jing Yang et Stella Yifan Xie
✏️ Trois questions (et réponses !) sur la FinTech (mais en réalité bien plus que cela) chinoise Ant (qui veut dire fourmi), la plus grosse I.P.O. de tous les temps (bâtant la pétrolière saoudienne Aramco).
Que fait Ant ? —> Ant est un carve-out d’Alibaba (i.e. la société a été séparée de sa maison-mère). C’est le propriétaire de la mega fin-tech Alipay (initialement utilisée sur Alibaba) qui est une “lifestyle and payments app with more than one billion users in mainland China”. La mission d’Ant est d’être au service des petits… d’où la référence aux fourmis. C.Q.F.D. Mais au-delà du paiement (avec le QR code qui est sa signature !), Alipay sert aussi à investir, à acheter sur la market place d’Alibaba, à investir en bourse, à acheter des assurances, à obtenir des prêts en 3 clicks en connectant 100 banques à des millions d’individus (grâce à une I.A. ultra-performante, etc). Epoustouflant.
De quels chiffres parle-t-on ? —> Ant était déjà la startup la + valorisée du monde (150 milliards $ mi-2018) et pourrait lever +34 milliards $ pour une valo de +300 milliards $. Ant gère 17,6 trillions $ de transactions (versus 11.3 pour Visa par exemple) ou encore est la plus grosse société de gestion de mutual funds en Chine, avec 215 milliards gérés et près de… 700 millions d’investisseurs individuels dans son principal money market fund. Les revenus de la “start-up” (sic) au S1 se sont élevés à 10,6 milliards $.
Que retenir ? Beaucoup plus qu’une FinTech à proprement parler, Ant est la plateforme financière chinoise par excellence, une super App qui sert à tout ce qui de près ou de loin touche le port-monnaie des Chinois, le tout avec un dénominateur commun le plus large possible. A date c’est un business presque entièrement chinois avec 95,6% des revenus réalisés en Chine au premier semestre.
🎨 Frédéric Jousset : « Je veux élargir les publics de la culture » (Le Monde, 22 oct. 2020)
✏️ Co-Fondateur de Webhelp, un des plus beaux succès business de ces 20 dernières années en France avec 1,5 mds€ de CA (2019), Frédéric Jousset est de ces entrepreneurs qui inspirent des générations d’étudiants, à la fois comme créateur d’entreprise mais aussi comme mécène et homme d’action en général. Dans cette interview au “Monde” il revient sur la création du fonds d’investissement dédié à la culture ArtNova, et d’une fondation, ArtExplora.
D’abord le constat concret : d’un point de vue macro, la culture ne manque pas d’offre (musées, théâtres, opéras, fondations privées, etc.) mais de demande.
“En fonction de là où vous êtes né et de votre milieu social, vos pratiques culturelles ne sont pas les mêmes et n’ont pas la même intensité. 70 % des Français n’iront jamais voir un concert de musique classique.”
Il y a donc un enjeu énorme de démocratisation de l’accès à la culture. Pour réaliser cette ambition d’élargir les publics, l’entrepreneur a donc pris 2 initiatives complémentaires : (1) la création d’un fonds de 100 m€ financé avec son capital personnel, ArtNova, qui financera les entreprises des industries de la culture et de la création et (2) ArtExplora, une fondation culturelle philanthropique.
ArtNova a vocation a investir dans des projets permettant à la fois de réaliser sa mission, qui est d’élargir les publics de la culture, tout en étant rentable. Ainsi déjà une dizaines d’entreprises de Frédéric Jousset vont être regroupées sous ArtNova, comme le groupe bâti autour de Beaux Arts Magazine, ou encore des investissements dans des start-ups comme Artsper. Le fonds a aussi un volet patrimonial, dans l’esprit du travail réalisé avec l’hôtel du Relais de Chambord (16 m€ de travaux de rénovation et concession de 50 ans).
De plus, ces initiatives font également le constat d’un continuum très fort entre le numérique et le physique, entre les musées traditionnels (Versailles par exemple) et les offres alternatives ayant une approche originale (comme l’Atelier des lumières).
“La fréquentation des sites Internet des grands musées a augmenté tout comme leur fréquentation réelle. Une visite virtuelle de la galerie des Glaces, à Versailles, ne remplacera jamais une visite réelle. C’est la magie de l’original.”
Enfin, la fondation ArtExplora sera 100% philanthropique et dotée de 6 m€ dans un premier temps, plus 2 m€ par an chaque année et 50% des plus-values du fonds ArtNova. C’est une fondation à l’approche originale et numérique — il y a déjà pléthore de collections privées un peu partout dans le monde — avec à la fois un travail sur des sujets spécifiques avec les musées (par exemple un musée mobile avec Pompidou) ou encore un prix avec l’Académie des beaux arts, dans le but, toujours d’élargir les publics ;)
